• J'ai peur, parfois, de finir par me mettre moi aussi en mode automatique, comme ces silhouettes sans visage que je croise le matin et le soir, aux heures de déjeuner, celles qui échangent des mots qui sortent d'eux-mêmes, des banalités que l'habitude impose à leur cerveau en veille. J'ai peur de me faire engloutir dans le monde de ces gens qui ont mis de côté leurs rêves et leurs fantaisies, leurs passions et leurs espérances, tout ce qui les rendait singuliers, tout ce qui animait leurs traits de jeune être tourné vers l'avenir. Mon enthousiasme se brise au contact de ce quotidien insipide qui, même s'il tente de se renouveler de lui-même, ne change jamais assez pour produire du nouveau. Pourtant je vois bien ceux qui font des efforts pour renouveler sans cesse, pour animer, ils font des ronds de jambes et brassent de l'air avec la meilleure volonté du monde, mais rien n'y fait; je n'arrive pas à oublier le vide qu'ils essayent de cacher derrière eux.
    Est-ce que nous sommes tous voués à oublier ce qui nous faisait vibrer, avant, à nous contenter qu'un quotidien bien rempli, de joies passagères et de rares instants d'émotion, concentrés dans les quelques et si rares heures qui n'appartiennent qu'à nous? Le temps défile tellement vite, je ne me rappelle pas de la semaine dernière, je n'ai le temps de rien, et tous mes projets s'envolent, je n'ai même plus l'occasion d'y penser. Ce mode de vie qu'on nous impose est malsain, quelque part, il nous occupe l'esprit et fait s'envoler le temps comme si nous nous ennuyons trop pour nous occuper nous-mêmes, comme si notre vie serait vide sans de telles obligations. La mienne était bien remplie, je ne savais même plus où donner de la tête, et j'ai peur aujourd'hui de devoir tout repousser à des échéances qui reculeront sans cesse, puisqu'il n'y a pas d'échappatoire possible. Est-ce qu'il existe un compromis quelque part, est-ce qu'on peut encore s'évader tout en étant enchaîné ici bas, est-ce qu'il reste de la place aux rêves? Je ne veux pas me mêler des banalités dans l'ascenceur du matin, ni des discussions de comptoirs; j'ai besoin de chimères, je ne vis que pour m'émouvoir.

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  • Why realise the life of the hidden
    Within disguise they choose what they're given.
    Come what may - they hear you say,
    You don't love me!

    Here in the breeze, I embrace you in vision.
    So full of grace, you renounce indecision.
    All of me I would give to thee,
    But you don't love me.

    Black forest, silver tree,
    There you smile, and deliver with ease
    The words that break me down so low.
    I'm waiting there, I watch you go.

    Illumination - I fail to see
    Imagination - your love for me.
    Come, chase relief from eternal grief.
    So you see it comes as no surprise to me
    That you don't love, you don't love me.
    You don't love, you don't love me.


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  • Je crois que j'ai rarement jusqu'à présent ressenti un vide aussi total, complet mais inexorablement creux. Je crois que rarement encore j'avais pu aller jusqu'au bout des activités que je considérais comme passionnantes, arriver jusqu'au point où les pratiquer me laisse indifférente, où je ne me rends même plus vraiment compte de ce que je fais. Je ne me souviens plus du dernier véritable rayon de soleil que j'ai vu, la sensation de sa chaleur bienveillante m'a quittée, et ces jours détendus et apaisants ne m'apportent plus de quiétude. Je crois que d'une certaine façon, on perd rapidement le goût des bonnes choses une fois qu'on les obtient; j'aimerais que quelque chose change, n'importe quoi, n'important quand, mais le temps semble figé. Je n'ai plus vraiment envie de regarder par la fenêtre et les trajets en voiture, pendant lesquels je trouvais toujours quelquechose ou quelqu'un à qui penser, sont devenus d'un ennui mortel.
    Je crois qu'avec le temps je perds peu à peu cette capacité de m'enchanter de tout, elle que je considérais comme l'une de mes plus grandes forces, mon garde fou contre l'ennui et la morosité, la source de mon optimisme profond. Même lorsque tout semblait aller au plus mal, j'avais toujours cette petite étincelle qui me chuchotait que des jours meilleurs viendraient, qui me permettait de rire de choses simples et de m'émerveiller devant ce qui n'est que banalité aux yeux de beaucoup: en un mot, de sortir la tête de l'eau. Aujourd'hui cette voix ne me parle plus et j'ai beau tendre l'oreille, je n'arrive même plus à saisir les échos de ce qu'étaient ses conseils autrefois. Je relis des vieux textes et je me dis que ma situation n'a pas beaucoup changé, au fond, je rêve du jour où je les regarderai avec un oeil lointain, où je me plaindrais de ce que j'ai été dans ces époques troublées, de ce que j'ai fait. Ils sont encore d'actualité pourtant aujourd'hui, et même si j'aimerais les perdre dans mon sillage, ils me suivent comme un boulet accroché à mes chevilles. Il n'y a pourtant pas vraiment matière à être malheureux, quand on y pense, je suppose que comme beaucoup je devrais m'estimer satisfaite de mon sort, je sais qu'il pourrait être bien pire, et je n'ai jamais prétendu le contraire d'ailleurs. Je crois avoir réussi à dépasser depuis longtemps l'étape de l'apitoyement pur et simple, et contrairement à ce que certaines personnes me demandent parfois (et cette question m'étonne toujours tant je ne réalise pas à quel point elle peut traverser certains esprits), je suis loin d'être quelqu'un de triste. Pourtant comme souvent il est difficile de se concenter de ce constat et de vivre sur les maigres acquis que l'on possède; j'ai du mal, je crois, à bien vivre avec ce que j'ai, même si ça me permet de vivre bien sûr, comme tout un chacun.
    Je ne sais pas ce qui m'attend, je crois que j'ai peur de le découvrir et, d'une certaine façon, c'est sans doute ça qui me pousse à fuir depuis quelques temps. A fuir les amis pour commencer, ceux qui m'ont déçue et que je n'ai plus la patience d'excuser, à fuir les impératifs, à fuir ce qu'on attend de moi. Je ne sais pas ce que je veux, j'hésite à prendre les décisions qui me font peur là où autrefois j'aurais tenté ma chance. J'ai l'impression de perdre patience et j'ai peur, parfois, de ne pas réussir à retrouver cette étincelle qui m'animait, cette capacité de rêver et de croire, mise à mal par le vécu et le temps, mais qui substistait malgré tout.
    Je me persuade qu'elle n'est qu'en suspens, qu'elle ne demande qu'à être animée de nouveau, et je m'en sais incapable. Je crois qu'au bout d'un certain temps, lorsque l'on a fait de son mieux pour rebâtir l'édifice mis à mal, le champs de ruine qui survit à toute relation, il arrive un moment où on ne peut plus soi-même poser une pierre de plus. J'ai épuisé toutes les méthodes architecturales pour embellir mon quotidien, pour le rendre plus sain qu'il ne l'était, pour construire des fondations qui tiendront le coup, cette fois, bien plus solides que ne l'étaient celles de mon adolescence. Des fondations de pierre et d'ambre, de larmes solidifiées, que j'ai hâte de pouvoir tester à nouveau, quand j'arriverais à m'emballer. Cette capacité de m'enflammer et d'enflammer ceux qui m'entourent, voilà ce qui me manque le plus, ce que j'ai laissé derrière moi, ce que j'aimerais retrouver aujourd'hui. Elle me sortirait de l'ombre et me ferait avancer de nouveau, je sais qu'elle est la seule à en avoir la force, je ne lui résisterait pas. Je crois que malgré ce que beaucoup peuvent dire (et comme j'aimerais être cette âme libre et auto-suffisante qu'ils décrivent), j'ai juste besoin d'être sauvée.


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  • Je ne me souviens plus vraiment du meilleur Noël que j'ai passé, je ne sais plus s'il avait neigé ce jour-là, qui était présent, qui ne l'était pas. Avec les années, ils finissent par tous se confondre, avec les anniversaires et les réunions de famillle occasionnelles, avec les fêtes et les commémorations, les mariages, les naissances. Autrefois, je gardais tout dans une petite boîte à musique qui se mettait à jouer quand je l'ouvrais; pour moi, c'était le plus beau des trésors, il contenait toutes les choses sans valeur qu'on pouvait me donner à toutes sortes d'occasions et, toutes les fois où je l'ouvrais en étant adolescente ou jeune adulte, il me faisait pleurer. Je ne l'ai pas ouvert cette année poutant, et je ne le ferais pas. Parce que ces choses ont beau être précieuses et chargées de souvenirs que je ne perdrais jamais, j'ai compris qu'elle ne vaudront jamais le sourire des miens.
    Un visage changé, une ride, un berceau, une esquisse de poitrine, quelques dents en moins ou en plus; des visages souriants et d'autres graves mais qui parviennent à se détendre l'espace de quelques heures. Des noms par dizaines, des rires, des chants, et ce délicieux froissement des papiers colorés; je crois qu'au fond je n'ai que rarement pu contempler, parmi mes voyages du corps et de l'esprit, quelque chose d'aussi bienveillant. Et toute la quiétude, que je cherche dans les évasions de toutes sortes, je la retrouve ici, dans ce retour aux sources bienfaiteur, dans ce dénominateur commun qui me lie à tous ces gens, eux qui m'ont vu grandir et changer, qui m'ont vue au pire et aux mieux, qui ne m'oublient pas. Chez nous, on lève son verre bien haut en se souhaitant "Cent'anni", cent ans, cent ans de bonheur et de santé, cent ans d'amour, cent ans de joie. Pour certains bien sûr ça ne veut plus dire grand chose, et ils ne seront peut être pas là pour le dire à nouveau, mais ils ont eux le souvenir de ces Noël de guerre, de famine et d'occupation, où, cachés dans les villages transalpins, ils se souhaitaient Cent'anni avec la larme à l'oeil. A cette époque, comme mon grand père le raconte parfois, il avait dû se cacher dans les meules de foin pour échapper aux armées de Benito, pour ne pas être emporté loin des siens qui, sans leur aîné, n'aurait pas pu subsister bien longtemps. Et ce jour tragique où il était parti plusieurs jours durant pour acheter un sac de blé à Belluno et que, alors qu'il gravissait la montagne en tirant son chariot sur le chemin du retour, les allemands le lui avaient pris. Je vois encore l'émotion briller dans ses yeux lorsqu'il parle de cette période, que nous n'imaginons même pas. Pour nous, petits et arrières petits enfants, c'est un univers lointain peuplé de méchants, qui n'ont eu que ce qu'ils méritaient. Mais pour lui, c'est ce qui fait qu'il lève son verre plus haut que tout le monde chaque année, que ces Cent'anni qu'il nous souhaite à tous, ce sont des années meilleures que toutes celles dont il a le souvenir, peuplées de rêves et de projets, que ceux qui dépendaient du sac de blé n'ont jamais eus.
    Alors ma boîte aux merveilles peut bien attendre ce soir, c'est à lui et à ma grand mère que je lèverai mon dernier verre de l'année, à elle qui a vu le jour dans l'ancienne Babylone lorsque ses parents fuyaient le génocide. Elle a apporté à la famille les senteurs orientales et ce sentiment profond d'exil qui ne l'a jamais quittée. Bien sûr, elle n'a jamais eu de véritable pays autre que celui dans lequel elle a fini par s'installer, celui du nouveau départ, celui du commencement. Je ne sais même pas comment lui souhaiter cent'anni dans sa langue, elle n'a jamais voulu la parler, et ne nous a transmis que les quelques mots fugitifs qui lui échappaient de temps en temps. Mais ce sont elles les véritables valeurs de ces réunions de famille, bien au-delà du repas gigantesque et du temps passé derrière son assiette, d'un aspect religieux qui n'a jamais existé chez nous. Ce sont elles qui nous lient, tous aussi différents que nous pouvons l'être, ce sont elles qui nous rassemblent.

    Buon Natale, Shnorhavor surb tsund


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  • Un matin, on se réveille avec le coeur serré, l'oeil vide. On se regarde dans le mirroir, après avoir déjeuné sans appétit, on réalise que bien plus que l'oeil, le visage tout entier est morose, pâle, tendu, décharné. On met des vêtements au hasard, on sort dans le froid glacial et alors que les gens s'emmitouflent dans leurs plus chauds habits, on avance contre le vent du Nord sans frissonner. On est malade depuis quelques jours mais on ne s'en rend même pas compte, et lorsqu'il arrive d'en souffrir, lorsqu'on se réveille la nuit à cause de ça, on se dit que ça doit passer. Que c'est mérité, peut être, qu'on ne peut rien y faire, qu'on ne veut pas y penser. On travaille, on écoute sans retenir, on écrit sans comprendre. On regarde les autres parler autour de soi, on fait mine de s'y intéresser, d'être aussi heureux qu'ils peuvent l'être, d'avoir hâte d'être à ce jour dont ils parlent tant. On mange en leur compagnie quelque chose qui n'a aucune saveur, qui ne sent rien, que l'on peu à peine voir. On prend le chemin du retour en regardant par terre, sans se soucier de ceux qu'on croise, des voitures, des odeurs, du temps. La pluie tombe et nous traverse, on ne réalise pas qu'elle trempe nos vêtements, qu'elle s'infiltre dans notre chaire, qu'elle innonde notre âme. On n'entend pas le téléphone sonner, on n'écoute pas les messages. Sur le mur, les photos ne ressemblent plus à rien, des gens lointains qu'on ne reconnaît plus, des gens qui ne sont pas là, qui ne l'ont peut être jamais vraiment été. Et puis on regarde dehors, ce dehors qui nous enchantait, et on ne voit plus rien. Rien d'autre que des bâtiments informes, des couleurs sombres, des échos qui résonnent sur du vide, sur le précipise sans fin qui s'étend sous nos pieds. On a beau s'évader comme on le peut, dans des mondes virtuels où personne ne souffre jamais, où les aventures les plus passionnantes sont possibles, où les vertus ont une véritable valeur; rien n'y fait.
    C'est un jour où l'on se lève en comprenant qu'il faut savoir lâcher prise, quand il n'y a plus rien à faire. Où l'on réalise que les plus belles paroles et les principes qui nous guidaient jusqu'alors ne fonctionnent finalement pas tout le temps, qu'il y a des cas qui leur échappent, des cas qui se dérobent à tout. Un jour où l'on aimerait tourner la page aussi facilement que d'autres le font, où l'on réalise qu'il y en a tellement qui sont marquées, dans lesquelles on se replonge de temps en temps, qu'il n'y a plus de place pour une nouvelle. Des pages anciennes qu'on ne peut plus voir, mais qui sont là pourtant. Des pages qui ne veulent pas se laisser tourner, qui reviennent par un moyen ou par un autre. On sait qu'il faudrait les brûler, repartir de rien, mais la force qu'il faudrait pour une telle entreprise s'est envolée depuis longtemps. Elle n'est pas là dans un jour comme celui-ci, il n'y a plus ni force ni courage, ni volonté. Juste des gestes sans vie, des paroles sans sens, une écoute distraite, des projets qui disparaissent.
    Je n'arrive plus à penser, à croire, même mes rêves s'étiolent. Je veux partir d'ici.


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