• Tu peux me laisser là, au milieu des poupées de cire,  au milieu des photos, dans ta boite à souvenirs, celle que tu n'ouvres jamais. Tu peux m'abandonner ici, sur un coin de table poussiéreuse, près d'un cadre aux visages souriants, à côté des feuilles qui volent dans le vent, au milieu de cette multitude de petits objets qui ne servent à rien, mais qui restent. Tu peux me déposer ici, si j'encombre tes poches, je me glisserai dans la première poignée, parmi tes clefs et tes tickets de métro. Tu peux me jeter là, sur ton lit défait ou ton canapé, je m'accrocherai à ton manteau, je me fondrais dans la capuche, et tu ne verras pas. Tu peux me caler sur ton étagère, parmi les livres de voyage et les destinations lointaines, les billets d'avion et les feuilles volantes, les mots écrits à la main, ceux que tu as oubliés au milieu des pages. Tu peux m'oublier ici, sur la table de la cuisine, entre les pages du programme télé, dans un hors-série que tu ne lis jamais. Mais ne me repose pas derrière la vitrine, celle dont tu as passé le seuil, lorsque tu as vu une étincelle. Ne me repose pas au milieu des poupées de chiffon, au milieu des visages de porcelaine, au milieu de ces yeux vides qui n'ont pas trouvé acquéreur. Ne me repose pas derrière la vitrine ; je ne suis plus à vendre.


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  • In an ocean of noise
    I first heard your voice
    Ringing like a bell
    As if I had a choice, oh well

    Left in the morning
    While you were fast asleep
    Into an ocean of violence
    A world of empty streets

    You've got your reasons
    And me I've got mine
    But all the reasons I gave
    Were just lies to buy myself some time

    In an ocean of noise
    I first heard your voice
    Now who hear among us
    Still believes in choice?
    Not I!

    No way of knowing
    What any man will do
    An ocean of violence
    Between me and you

    You've got your reasons
    And me I've got mine
    But all the reasons I gave
    Were just lies to buy myself some time

    I'm gonna work it out
    Cause time wont work it out
    I'm gonna work it out
    Cause time wont work it our for you
    I'm gonna work it on out

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  • Ce soir il y a des notes qui s'échappent par la fenêtre grande ouverte, qui se mêlent au hurlement du vent sur les toits, à la cadence frénétique de la pluie qui lave les chemins souillés de la ville, les gens, les âmes. Ce soir elle est plus que jamais symbole de mort et de renaissance, elle représente plus que jamais son symbole de source de vie, elle donne l'impulsion première, elle accompagne l'effort, elle le récompense lorsque, enfin, un sourire efface la trace de la larme fraichement tombée. Ce soir elle glisse autour de moi et elle ne me fait pas peur, je me rappelle qu'elle est tombée des milliers de fois auparavant, elle peuple mes souvenirs les plus flous, les plus douloureux, les plus beaux, les magiques.
    Ce soir je me rappelle de cette nuit d'automne où je suis partie en claquant la porte, trop vite pour qu'il ai le temps de me rattraper, trop loin pour qu'il sache où je suis, pour qu'il puisse le deviner. J'ai compris cette nuit-là que je m'étais trompée et la pluie venait sceller cette révélation de sa marque implacable, comme si elle se penchait sur moi d'un air moqueur, qu'elle me trempait jusqu'aux os pour me montrer que c'était inévitable, que j'aurais dû le savoir avant; que je l'ai su, mais que j'avais fermé les yeux. Et les voitures passaient en trombe et déversaient de véritables marées sur les trottoirs, agents de l'apocalypse prêts à englouttir le monde dans un océan de regrets. Il n'y avait rien d'autre que la pluie, cette nuit-là, elle voilait les lieux et les visages, enveloppait les voix, les sons, les sirènes hurlantes de la cité qui ne dort jamais. Elle était le dénominateur commun à toutes les peines du monde, l'élément fondateur, le lien, la source de tout mais aussi la fin; elle me rappelait ces paysages de désolation qui peuplaient mon esprit et les récits que je couchais sur papier, des histoires tristes où les eaux dévalaient sans fin des terres arides où rien ne poussait jamais.
    Mais ce soir je me rappelle aussi de cette autre nuit où nous sommes rentrés à la maison sous une pluie d'hiver battante, avec de la neige plein les trottoirs et des flocons dans le vent. J'en avais recueilli et je lui en avais jeté, il avait riposté, bien sûr, et nous nous étions pourchassés jusqu'à notre palier, sous le regard lointain des passants, silhouettes fantomatiques qui ne faisaient que traverser notre monde à nous, éléments du décor à la fois futiles mais indispensables pour le rendre vrai. Je n'avais pas les idées bien plus claires à l'époque mais la pluie nous avait bénis cette nuit-là, je ne m'étais jamais sentie aussi purifiée, comme si elle lavait tous les peines qu'elle avait accompagnées jusqu'alors, ces moments de désespoir et de solitude qu'elle avait bercés comme une onde froissant la surface de l'eau.
    Je me rappelle de cette nuit sur la terrasse en Ardèche quand l'orage s'est abattu sur la petite maison de bois, lorsque je suis restée dehors à regarder les feuilles plier sous la puissance de l'eau, les animaux fuir jusqu'au refuge le plus proche, les éléments se taire, comme pour écouter. J'avais l'impression que la nature elle-même se plaçait aux premières loges pour assister à cette manifestation qui n'était pas de son ressort, j'avais l'impression qu'elle était fascinée, elle aussi, qu'elle avait à la fois hâte et peur, comme si elle ne maîtrisait plus rien. Et je pouvais voir les trombes d'eau modifier le paysage, creuser de nouveaux chemins et en effacer d'autres, comme si chaque route que l'on arpentait pouvait à tout instant changer de direction.
    Et puis cette nuit toute récente de Septembre où la pluie nous a surpris en l'espace de quelques minutes; je pouvais essorer mes vêtements par la suite, mais je n'avais pas été aussi heureuse depuis longtemps, de pouvoir traverser les torrents qui courraient sur les trottoirs, de gambader sous les trombes d'eau qui ne semblaient jamais devoir s'arrêter, de lever les yeux vers le ciel et de ne rien voir d'autre qu'une immensité obscure et mystérieuse qui arrosait les petites créatures que nous sommes, comme pour mieux les voir pousser. J'aurais pu rester la nuit entière et laisser l'eau laver mon âme et la sienne, laver tout ce qu'il y avait de triste et de déplaisant, tout ce qui ne méritait pas d'être. Et aujourd'hui c'est ce que je voulais, au départ, lorsque j'ai ouvert grand ma fenêtre et que je suis sortie sur le balcon, pour voir si elle tombait vraiment très fort, si je pouvais y aller, si elle pourrait emmener loin de moi ce trouble qui commençait à me coller à la peau. Alors elle m'a remémoré ces instants-là, ces nuits, anciennes et récentes, avec des personnes différentes, certaines qui sont loin, d'autres toutes proches, dans ma propre ville, celle que je ne croyais que peuplée de fantômes et de regards sans vie. Cette ville qui m'a donné son plus beau regard, et bien plus que ça, son rire le plus vivant, le plus spontané, celui que les gens ne remarquent pas tant ils sont occupés à contempler ses yeux, mais celui qui me fait fondre. Et quand je l'ai vu rayonner sous la pluie cette nuit-là, je crois bien que je n'avais jamais rien vu d'aussi beau, pas même dans les scènes les plus grandioses de mes écrits, où même si les cités regorgent à présent de vie et de notes de musique suspendues dans l'air, je n'aurais jamais pu inventer un rire comme le sien.

     

    (bon anniv, Giyomu. et merci pour tout)


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  • Stella est partie triste ce soir, elle est partie triste parce qu'elle ne voulait pas partir, en fait, parce qu'elle n'est bien que quand je suis à ses côtés. Elle est partie triste et je ne l'ai pas retenue pourtant, parce qu'il y a des moments où chacun doit se retrouver face à sa propre existence, et même si je sais créer pour elle une illusion si forte qu'elle se prend au jeu, il arrive toujours un moment où il faut soulever le voile. Les gens se sentent vivants avec moi, mais je ne me sens pas vivante avec eux, je ne me sens plus là. Avec elle comme avec les autres, je suis ce qu'elle avait joliment appelé l'alchimiste, je crée des mondes et des bulles que je ne mélange jamais. Chaque ami a sa bulle, le petit univers que j'ai tissé autour de lui, autour de nous, que j'ai noué du lien qui nous unit. Parfois, je mélange quelques bulles, je teste, je regarde ce que ça donne. Mais la plupart du temps je les garde séparées, je m'assure qu'elles n'entrent pas en contact, comme si les voir évoluer ensemble me faisait peur, comme si j'allais perdre le contrôle. Je n'avais pas compris sa métaphore, au début, j'avais juste souris, et puis j'ai fini par comprendre, et j'ai su qu'elle avait vu juste.
    Si je les vois toujours séparément, c'est parce que je n'arrive pas à évoluer lorsqu'ils sont plusieurs, je n'arrive plus à les écouter, à les voir, à les comprendre. La multitude ne me fait plus peur mais elle noie mes émotions, elle les voile, elle les dissout, comme si chaque âme présente réclamait sa part, et que je n'avais jamais assez à donner. Je n'ai jamais été à l'aise avec le monde, j'ai besoin d'observer et d'entendre, de recueillir des notes et des odeurs, des particules, des sourires; le tumulte brouille tout, il perturbe et détruit. Alors je ne mélange pas les bulles, mais lorsque je choisi d'en laisser une évoluer autour de moi, elle ne manque jamais de rien. Et elles sont curieuses parfois, elles demandent à connaître les autres, celles que j'ai vues avant elles et que je vais voir après, celles dont je leur parle à demi-mots. Je crois que j'ai besoin, d'un côté, de garder certaines personnes dans ma manche, comme si elles étaient trop spéciales pour pouvoir être montrées, ou pas encore intimes, pas assez proches, pour que je tente de les mélanger aux autres bulles qui flottent autour de moi. J'ai du mal, ces temps ci, à tisser un univers autour de mon étoile du moment, j'ai du mal à créer autour de lui un monde qui me ressemble, j'ai l'impression de me perdre dans toutes mes bonnes intentions, de ne tisser que quelque chose d'épuré, que j'ai tellement décortiqué de peur de lui déplaire, que ça ne ressemble plus à rien. Cette bulle là est encore imparfaite, elle est chancelante et informe, elle se crée de semaine en semaine, mais elle n'est pas assez nourrie pour pouvoir exister. Il faut plus de temps, plus de sourires et de paroles, plus d'échanges, plus de réalité. Les premiers temps d'une nouvelle relation sont tellement étudiés, tellement maîtrisés, tellement faux, d'un côtés, qu'ils ne donnent qu'une impression vague, de laquelle ne transparaît rien. Et ces mondes que je tisse pour mes amis, ces univers denses et enchanteurs qui ne les laissent jamais indifférents, je n'arrive pas à les recréer pour lui, je n'arrive pas à être moi.
    Il n'y a que Stella qui le connait, ce monde, elle est une bulle particulière parmi les autres, je crois que je n'ai jamais tissé un univers aussi riche, pas même pour les bulles qui flottent dans mon coeur. Je lui ai filé un monde où elle ne s'ennuie jamais, où ses soucis s'éloignent, ou tout n'est que projets, rêves et fééries. Je l'ai si bien tissé que je me prends à rêver avec elle, parfois, lors de nos nuits de perdition où l'heure ne compte plus, où les visages anonymes nous escortent le temps d'une fantaisie, et disparaissent de mon souvenir à la lueur du jour. Et lors de ces envolées lyriques qui n'appartiennent qu'à nous, quand les notes de musique nous enveloppent, que le soleil se lève et embrase nos coeurs, essuie nos larmes de joie et de tristesse qui se sont emmêlées. Je crois que c'est bien la seule bulle à qui je donne une part de mon propre univers, une part de ma propre espérance, de mes souvenirs et de mes rêves. Je crois qu'elle est la seule à les connaître, sans doute la seule à pouvoir les comprendre, sans les juger; peut être les partager.
    Alors Stella est partie triste, ce soir, mais elle n'oublie pas pour autant, elle n'oublie rien, et elle sait. L'univers qui nous entoure ne meurre jamais, il se nourrit de nos rires et de nos larmes, il grandit d'année en année, il perdure. Et même si l'alchimiste que je suis ne mélange pas son monde à d'autres qu'elle aimerait pourtant connaître, elle sait qu'elle n'est jamais bien loin.


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  • C'est l'envie de partir qui m'a réveillée ce matin, qui m'a tirée d'un rêve tumultueux où je ne faisais que me perdre. J'ai du mal à dormir, ces temps ci, l'appel de l'ailleurs se fait de plus en plus fort, il s'accentue chaque jour, il ne me laisse pas de répis. J'ai l'impression d'avoir perdu le goût de toutes les choses qui me plaisaient tant, ici, je ne trouve plus de saveur dans les lieux ni les êtres, j'arpente les rues sans les voir, je ne lève presque plus la tête vers ce ciel que je connais par coeur. Il y a un voile gris sur ma ville, ces temps ci, un voile qui masque tout, un voile qui ne se lève pas. J'ai l'impression de la voir toujours voilée, même lorsqu'il s'en va, même lorsqu'elle est radieuse, que je croise des gens heureux et des lieux magnifiques. Je crois que plus grand chose ne me retient, ici, l'attachement inexorable à ma terre et ma culture m'a retenue jusqu'à maintenant; désormais, je crois qu'il ne suffit plus.
    Là-bas, je crois que j'ai d'autres choses à vivre. Pas que des belles choses, non, sûrement beaucoup de choses tristes aussi, de choses que je regretterais, de choses dont je n'aurais jamais voulu. Mais des choses nouvelles surtout, des moments, des lieux, des odeurs, toutes ces sensations suspendues dans l'air, la rumeur tranquille des villes et des campagnes qui résonne comme si chaque âme qui y vit déposait une note dans la symphonie. Chaque chant est différent, chaque endroit, chaque parcelle; je connais le chant de ma ville comme si je l'avais créé, dans une nuit d'inspiration, comme si je l'avais griffoné à la hâte sur une feuille volante, comme si je l'avais appris. Je veux entendre des chants nouveaux, ajouter des notes à ma propre symphonie, celle qui résonne autour de moi, celle qui me compose. Je ne crois pas que nous soyons faits pour vivre et demeurer au même endroit, je crois qu'à la base nous n'avions de cesse de parcourir le monde, et que le confort nous a retenus. Je ne veux pas me laisser retenir moi aussi, je ne veux pas écouter les conseils sages et les exigences, toutes ces voix qui ne prêchent que placidité et retenue.
    Là-bas, je sais qu'il y a des étoiles par milliers que je ne vois pas ici, que je vois si mal, que je n'ai jamais remarquées. Il y a un chant nouveau que je ne connais pas, une odeur qui ne me rappelera rien de familier, un univers tout entier à arpenter sans relâche jusqu'à l'avoir compris, lui et ce qui le fait. Je ne vois pas de plus belle occupation au monde, aucune de celles que l'on me propose ici ne lui arrive à la cheville, aucun avenir ne me semble plus brillant que celui là, je n'ai jamais vu d'herbe aussi grasse ailleurs. Il y a trop de fantômes ici, des âmes errantes qui ajoutent leur complainte au chant, qui murmurent, qui vont et viennent sans jamais trouver le repos. Là-bas, il n'y aura peut être pas de réponses, mais de nouvelles questions qui occuperont mon esprit bien ailleurs, bien loin, de tout ce qui le retient ici. Je ne veux plus m'appitoyer sur personne, ni voir ces silhouettes fugitives qui me suivent comme des spectres. Elles n'iront pas là-bas, elles ne franchiront pas le seuil parce que même si elles le voudraient, il leur manque quelque chose que rien ne pourra remplacer. Cette volonté qui transcende les mots et les belles paroles, qui transcende les résolutions faites pour ne jamais être tenues; cette capacité de savoir s'abandonner, lâcher prise, reconnaître que les éléments sont plus forts que tout, que nous n'avons pas toujours raison. Savoir renoncer à l'acquis et accepter le renouveau, qu'il soit en mieux ou en pire, apprendre à le recevoir et le façonner à son tour, apprendre à en faire quelque chose, et voir ce qu'il donnera. Au fond, je crois que c'est un travail de culture, de patience et de soins infinis; et je lui dois à lui, lui qui a la main si verte.

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