• Etincelle

    Aujourd'hui, j'ai enfin trouvé un intérêt à mon cours de beaux arts. Aujourd'hui, j'ai découvert, ou plutôt appris à connaitre, Caspar David Friedrich: je le connaissais de nom comme beaucoup de personnes, mais je ne m'étais jamais vraiment penchée sur ses oeuvres. Je suis restée un bon quart d'heure bloquée sur une bête diapo projetée contre le mur; ça ne rend certes pas grand chose dans ce format là, mais ça a suffit. Le moine au bord de la mer est, je crois, le plus beau tableau que j'ai pu admirer jusqu'à présent. Je m'étais toujours désespérée de ne pas être vraiment touchée par la peinture, ou de n'avoir tout du moins jamais trouvé d'artiste ou d'oeuvre capable de m'émouvoir autant qu'un poème ou qu'une chanson. Je n'ai plus écouté grand chose du cours, j'ai sans doute raté des commentaires intéressants d'ailleurs, mais je ne pensais plus qu'à une chose: l'infini.
    C'est l'infini qui est représenté sur cette toile, c'est l'au-delà, le lointain, ce qui nous rend tous petits dans ce monde de géants, ce que nous voulons voir et connaître mais qui nous glisse entre les doigts. Je suis touchée par la conception romantique du monde, que ce soit en littérature ou, comme je viens de le découvrir, en peinture. Le combat de l'artiste romantique est une lutte incessante des sentiments contre la raison; il doit garder foi en lui-même et en son oeuvre tout en subissant les assauts d'un monde incrédule et perplexe, qui ne croit plus en grand chose. Son mysticisme, sa spiritualité, sont condamnés à être sans cesse mis à l'épreuve par la pratique, mais il en tire une force incomparable, et ne cesse jamais de rêver.
    J'ai toujours eu coutume d'apeller ça "l'étincelle", et de distinguer ceux qui l'avaient de ceux qui ne l'avaient pas. Lorsqu'on me demandait de l'expliquer, je ne savais jamais quoi dire, c'était juste l'étincelle. Cette capacité de voir au-delà de l'écran de fumée qui voile nos yeux, de voir plus loin, plus profondément, cette force de savoir décerner ce qui est important de ce qui n'est qu'illusion, d'avoir foi en ce qui compte, de croire envers et contre tout. Que sont les obligations que nous avons aujourd'hui, que vaux la raison, le devoir, cette pression que l'on subit de toutes parts, comme si d'autres décidaient de la manière dont on doit vivre. Je pense souvent à la façon dont tout ça finira, à ce qu'il restera de nous tous en fin de compte. Nous avons si peu de temps ici bas, des années infimes comparées aux millénaires, je ne veux pas les passer à subir, à faire ce que l'on attend de moi, à remplir un devoir que l'on m'a imposé. Seule la volonté compte, seuls les sentiments valent toute la peine que l'on se donne pour eux; l'étincelle nous pousse à les placer au dessus de tout le reste.
    Ceux qui la possèdent se heurtent à la masse des êtres qui ne l'ont pas; ils sont souvent malheureux de se sentir si incompris, et seuls faute de trouver leurs semblables. Je l'ai longtemps été, isolée dans ma recherche de l'infini, dans ma poursuite du lointain qui s'enfuit toujours. Je l'ai été jusqu'au jour où j'ai compris que nous n'étions peut être pas si rares que je le pensais; j'en ai trouvé quelques uns depuis, et je suis toujours à l'affut. C'est une recherche de chaque seconde.

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