• Zenith

    Une pluie de fin du monde dehors. Une pluie qui lave et qui emporte tout, qui mêle les larmes, qui ravive les anciennes et qui nettoye les nouvelles, qui lisse la surface de la peau. C'est une pluie de fin du monde parce qu'aujourd'hui pour la première fois depuis longtemps j'ai le coeur léger, et c'est peut être grâce à elle, ou plutôt, en un sens, j'ai l'impression qu'elle en est la manifestation. ca n'aurait pas été pareil avec un ciel bleu et un soleil écrasant, ça n'aurait pas été pareil avec des fronts perlants de sueur et des canettes de soda sorties du frigo; c'est tellement fort avec la lumière éteinte, l'orage au fond, et cet immeuble qui surplombe la ville, d'où on peut voir la foudre tomber. Je me suis mise près de la fenêtre et tandis que les autres parlent et jouent je n'ai d'yeux que pour l'orage, pour ce véritable déluge qui semble venu de nulle part, qui innonde cette terre sèche de début d'été, qui hier encore se gorgeait des rayons du soleil.Quelque chose est différent aujourd'hui, et je ne voudrais pour rien au monde qu'elle s'arrête, tant pis pour le froid et pour la veste que je n'ai pas pensée à prendre, j'ai presque hâte qu'elle me lave moi aussi, qu'elle me bénisse, quelque part, parce que je sais qu'elle n'est pas là pour rien.
    J'ai ce coeur léger des débuts de journée rêveurs où l'esprit est encore peuplé des songes et des paroles d'hier, des murmures chuchotés à l'oreille, des mots qui remplacent tous les autres. J'avais oublié ce que ça faisait de les entendre, je crois que je n'ai pas réalisé tout de suite, peut être que je ne réalise pas encore d'ailleurs, mais l'orage m'aide. Il me montre que malgré le froid et l'obscurité je n'arrive pas à être triste aujourd'hui, je n'ai même plus peur de la foudre, je la regarde s'abattre et faire trembler le sol et je ne me défais pas de ce sourire en coin. Est-ce qu'on a le droit à une seconde chance, quand l'émotion première a déjà été brisée, est-ce qu'il est vraiment possible de lui redonner vie, quelqu'un a-t-il réellement la force de ranimer un coeur éteint? Je ne le croyais pas vraiment mais je en sais plus, aujourd'hui, j'ai l'impression que les années s'éloignent plus vite qu'au cours des derniers mois, elles ont défilé durant ces dernières heures et elles se voilent d'elles-mêmes, comme si elles acceptaient enfin de se ranger dans la boîte avec l'étiquette "passé" collée dessus. Il manquait peut être ce déclencheur, un élan, une impulsion, ces quelques mots qui déverrouillent tout comme une formule magique. J'ai l'impression que plus rien ne peut refermer ça maintenant, comme si la source coulait de nouveau, charriant son eau pure des sommets aux vallées, irriguant les terres arides. Et je n'ai plus peur, je crois, du moins je commence. Et je vais arriver à refaire confiance, à baisser ma garde puisque, je le crois et c'est une première pour moi, je serais épaulée.
    C'est une sorte de destination autant qu'un art de voyager, une poésie du chemin et de l'errance, une philosophie de la route et de l'itinéraire, qui m'a conduite de fleuve en fleuve en passant par les torrents et les océans de vide, pour me mener dans cette prairie où ce ruisseau chante enfin de la façon apaisée qui promet tant. Un chant comme un retour aux sources ou plutôt comme une bienvenue, comme les navires qui hissent leurs voiles blanches, lorsque la guerre est finie, et qu'une période de paix et d'abondance se profile à l'horizon. Je ne veux plus avoir peur du lendemain, ni des démons d'hier. Seuls les esprits d'aujourd'hui m'apaisent.


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