• Terre brûlée

    Parce qu'il faut oublier pour avancer, parce que le temps efface tout si on le laisse faire, j'ai toujours eu la sensation de ne plus me souvenir des moments passés, des sensations, des gens. Certaines périodes, même heureuses, m'apparaissent floues, peuplées de quelques vagues images, des mots qui ne veulent plus rien dire, des émotions qui ne rappellent rien. La transition est toujours difficile à vivre, parfois quasiment insurmontable. Parce qu'au moment où je réalise que je suis en train de tout brûler derrière moi, il me reste toujours quelque chose de ce passé qui s'efface malgré tout. A chaque fois, c'est mon coeur qui brûle, mes rêves qui sont dévorés par les flammes, mes espérances réduites en cendres. Je me sens vidée de mon essence et je le suis effectivement durant des mois, avant qu'une nouvelle étincelle allume la lueur qui se transformera en brasier un jour, elle aussi.
    Dans de tels instants, les questions sont légions et les réponses n'existent pas, elles n'existent plus; parce que rien ne peut expliquer ce phénomène, pas même celui qui le vit. J'ai si souvent essayé de m'accrocher aux dernières traces de mémoire, aux dernières paroles encore distinctes, aux dernières heures; le temps m'a poussée à lâcher prise, il m'a dépossédée de ces instants si chers, et le feu a tout emporté.

    Mais cette fois sera différente, pourtant. Je ne veux pas laisser ces souvenirs-là disparaître, je veux garder la flamme, même si elle ne vit plus qu'en moi, et ne jamais la laisser prendre le dessus. Je veux l'entretenir de souvenirs heureux avant que je ne les oublie, je veux lui donner de quoi vivre toujours, mais ne jamais me brûler. Les souvenirs finissent par s'effacer d'eux-mêmes, je suis sûre que s'ils pouvaient parler ils parviendraient à me convaincre, mais je ne les écoute pas. Cette terre là ne brûlera pas, il y a trop de choses dont je veux me souvenir, et même si d'autres me font mal, je ne veux rien omettre. En oublier quelques unes finirait par emporter le reste, par t'emporter, toi. Tu souffles sur le feu, tu l'attises et je le recouvre de larmes; tu veux m'aider à brûler cette terre alors que je la veux intacte. Et si un jour vient effectivement où tu ne seras plus dans mes pensées, alors j'aurai perdu cette bataille là, comme tant d'autres, cette bataille sans doute perdue d'avance mais dans laquelle je veux lutter malgré tout. Je ne veux plus laisser faire, je ne veux plus d'une terre brûlée. Les ombres qui tourneront dans les airs auront toutes ton visage.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 16 Avril 2006 à 10:13
    Bonjour ici...
    ...la nature prend toujours soin des jolies choses. Lorsque brûle une forêt, sa beauté et son âme ne disparaissent pas. Elles reviennent toutes deux avec l'aide du temps et des saisons. De nouvelles pousses prennent racines et forment un nouveau paysage, mais à travers lui on conserve les belles images du passé. L'important est de ne pas s'arrêter mais d'apprendre à vivre avec ce temps qui passe et de tirer profit de cet incendie ravageur pour mieux se prémunir des flammes potentielles en devenir. Bisous là...
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