• Space Weaver

    Je suis rentrée en train tout à l'heure, et sous le soleil écrasant de la mi-journée les rideaux s'envolaient par les fenêtres grandes ouvertes. Il n'y avait que quelques visages pâles autour de moi, des visages lointains plongés dans des pensées vagues, dans des livres entr'ouverts, ou captivés par l'horizon. Moi, j'avais la voix de Lisa, et des souvenirs plein l'esprit, de ces souvenirs vivants qui habitent un être, qui sont capables de le transporter, de le changer à jamais. J'ai sorti mon callepin noir sur lequel je note tout et j'ai griffoné des mots sans y réfléchir, des extraits de Space Weaver qui passait à ce moment dans mon lecteur. Je l'ai sans doute écoutée des dizaines des fois mais elle était vivante aujourd'hui, j'avais l'impression de voir les paroles sortir de mon cahier, après avoir prit possession de mes mains jusqu'à ce qu'elles ne les couchent sur le papier. J'ai reposé mon stylo, j'avais un air exténué qui a surpris mon voisin le plus proche, étonné de me voir revenue à la vie alors que j'étais létargique depuis le départ du train. Alors j'ai monté le son, je me suis tournée encore plus vers l'extérieur et j'ai regardé les notes danser, glisser sur la ligne de l'horizon, s'élever vers le ciel dans des envolées lyriques et redescendre, pour repartir de plus belle.
    Le Space Weaver que Lisa a chanté dimanche soir, c'était une tempête. C'était d'abord une pluie fine avant l'orage, ces moments où le ciel est gris, où les oiseaux se taisent, où même le bruit de la ville est absorbé. Ce sont des moments de fin du monde, lorsque plus rien n'importe, lorsque tout est beau, beau parce que si triste, au fond. Et puis la tempête s'est levée, d'abord lointaine puis de plus en plus proche, l'apogée, la véritable Apocalypse que j'aimerais tant connaître. Je me souviens, j'ai senti ma peau se parcourir d'un frisson lorsque le rythme a commencé à s'emballer, même les larmes coulaient presque plus vite pour accompagner la pluie maintenant battante. Mes mains se cramponnaient à mon siège comme si le vent risquait de m'emporter, j'ai senti les gens frémir autour de moi, j'ai vu les silhouettes se raidir, les têtes se redresser. Et Lisa, immobile, qui invoquait la tornade, comme dans un culte ancien dont elle serait la grande prêtresse, qui remplissait le ciel constellé d'étoiles de la salle. Je crois qu'il s'est vraiment passé quelque chose à ce moment là, lorsque la tension est finalement retombée, que le rythme s'est tu, que même sa voix s'est faite plus lointaine avant de s'évanouir au loin. Mes mains se sont décrispées, les larmes se sont taries; si on m'avait adressé la parole, je crois que je n'aurais pas pu répondre.
    C'est cette tempête que j'ai vue, tout à l'heure, dans le ciel immaculé de cette belle journée d'avril. A mes yeux, c'était un ciel sombre, chargé de nuages, de cette éléctricité ambiante, de ces émotions en suspens dans l'air. Un mouvement du bras, un frolement de paume, et je pouvais les capturer dans ma main, les garder quelques instants contre moi, ou les laisser s'envoler à nouveau. Il y avait des visages dessinés dans l'orage, des regards par dizaines, tant de gens qui comptent, tant de personnes cachées derrière ces mots; j'avais l'impression de pouvoir les atteindre à travers la tornade, si j'avais le courage de la traverser. Comment font les autres pour occuper leurs trajets à lire ou à somnoler; j'ai l'impression que chaque distance me transporte dans tous les sens du terme; c'est un véritable voyage.

  • Commentaires

    1
    Dimanche 22 Avril 2007 à 13:26
    Space Weaver
    Je n'aurais pas dit mieux. Je me souviens encore du début du concert avec tempest. Oui, c'était une tempête. Un voyage, comme tu le dis si bien. Quant à Space Weaver, the Host of Seraphim... :'-( C'était une journée sublime, inoubliable. Vivement le prochain concert, qui aura lieu d'ici pas trop longtemps j'espère.
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