• Plastic bag scene

    C'était une belle nuit hier, une de ces nuits sombres et orageuses où le ciel gronde, où la pluie martèle les toits et le sol asséché par les journées de chaleur. Je me suis assise sur le rebord de ma fenêtre pendant de longues minutes, peut être une heure; le temps s'évade dans de tels instants, ce sont des moments rares où plus rien d'autre n'a d'importance. J'ai regardé les fleurs et les arbres trembler sous les assauts du vent, quelques feuilles volaient dans les air; je me suis dis que je les aurais filmées si j'avais eu quelque chose sous la main à cet instant parce que, sans savoir vraiment pourquoi, cela m'a ému. Parmi tous les spectacles que la nature peut nous offrir je crois bien que voir un objet secoué par les éléments est une expérience particulière, anodine aux yeux de tant de gens, mais tellement unique pourtant.
    J'ai pensé à la scène du sac plastique dans le film American Beauty, cette scène unique qui me tire des larmes à chaque fois. Je me souviens de la fois où je l'ai regardé avec des amies et où, lorsque la scène s'est profilée, les réactions furent si différentes. C'est ce soir là je crois que j'ai compris que le monde était scindé en deux; peut être en bien plus de parties en vérité, mais qui pouvaient toutes plus ou moins être regroupées en deux pôles. Il y avait ceux qui étaient émus devant cette scène, et ceux qui riaient devant son absurdité. C'est vrai, après tout, c'est bête un sac qui vole dans le vent, et quand le personnage décrit ça comme la plus belle chose qu'il ai jamais filmée, ça peut surprendre au premier abord. Mais tout de même... Les personnes présentes ont rit, incapables de voir la beauté dissimulée derrière cet instant si banal que tout un chacun a déjà pu observer, sans vraiment y faire attention. Je me souviens de la solitude que j'ai ressentie à ce moment là, lorsque j'ai vu les autres se moquer d'une chose qui me touchait, rire d'une scène si émouvante, comme s'il y avait une frontière définitivement infranchissable entre le monde des illuminés et celui de ceux qui ne regardent pas autour d'eux. J'avais toujours pensé que ce n'était qu'une question de volonté, qu'on pouvait encourager quelqu'un à ouvrir les yeux sur le monde qui l'entourait, à trouver de la beauté dans la pluie qu'il maudit, dans le vent qui le décoiffe, dans les insectes qu'il écrase parce qu'ils sont sur son chemin. Ce jour là pourtant je me suis dit que les passerelles entre nos deux univers étaient peut être bien plus étroites que je ne l'avais pensé, qu'elles ne laissaient pas n'importe qui les parcourir et que, d'une manière ou d'une autre, il fallait être en quelque sorte "élu".
    Je suis restée sur le rebord de ma fenêtre à m'émouvoir du spectacle de la pluie innondant le jardin, petit morceau de jungle tropicale au coeur de la ville. Il n'y avait personne pour me poser des questions, pour me dire que j'avais peut être mieux à faire que de rester là à rêvasser, comme si je ne pensais à rien. Penser à rien... Je ne crois même pas que ça me soit déjà arrivé.


  • Commentaires

    1
    dima
    Lundi 22 Mai 2006 à 10:20
    Pour moi...
    ...personnellement, tu ne fais que parler de la perception des choses de la vie par l'individu lui meme. Et cela peut différer selon les etres. Il m'arrive de longer les berges de la seine et de contempler son eau se dénuder pour moi ou me manifester sa colére quand elle n'est pas l'aise. Une eau certes sale mais o combien communicative. Tu me rappelles aussi ces moments où sous une pluie fine ou pas marcher sans parapluie est un vrai bonheur : cette eau qui dégouline sur la peau de mon visage. Ces filaments doux où violents qui descendent du ciel pour m'atteindre et me toucher. J'aime l'Eau : un élément de la vie alors que d'autres de mes contemporains ont une sainte horreur de cela et c'est là la preuve irréfutable que nos perceptions sont différentes puisque nous sommes, nous memes, différents les uns des autres... Bien le bonjour à toi Etoile de l'Aurore.
    2
    Roman
    Mardi 4 Juillet 2006 à 16:58
    mélancolie
    Je ne sais pas si la passerelle est si étroite, ou si sélective, à vrai dire, elle ne dépend pas tout le temps des capacités des personnes, mais parfois simplement de l'endroit où elles sont sensées se trouver. Pour la plupart des gens il en est ainsi, d'autres ne la verront jamais ne regardant qu'un obstacle ridicule ou un spectacle divertissant au mieux. Mais ceux dont l'âme et le coeur dominent la vie ont fait leur choix, épousant ce passage ils prononcent leurs voeux.. Qu'elle est belle, celle qui ne vit que pour elle et qu'on ne peut posséder. Les fous la convoitent, les passionnés la contemplent, les amoureux se lient à elle, force sans maître...
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