• Je ne pleure plus depuis quelques temps, et même si ça pourrait être bon signe pour pas mal de personnes, ça fait partie des choses qui ont plutôt tendance à m'inquiéter. Je n'ai jamais considéré ça comme quelque chose de triste, comme quelque chose à retenir, comme quelque chose à cacher; il s'agit au contraire à mon sens d'une de ces choses si rares et si infinies qui font de nous des êtres illuminés, capables de transformer une pensée en manifestation physique, à bien y réfléchir j'aurais même tendance à trouver ça passionnant. Mais je ne me souviens plus de ma dernière fois. Est-ce que c'était à cause de quelqu'un, est-ce que Lisa m'avait émue, est-ce que j'ai repensé à des personnes, à des moments? J'ai quitté ce qui avait été mon foyer et le nid que nous avions choisi de bâtir, et je n'ai même pas été émue. J'ai rendu les clefs, j'ai fermé la porte derrière moi, et je ne me suis plus retournée. Même maintenant, dans ce qui ressemble de plus en plus à mon nouveau chez moi, il m'arrive de regarder autour de moi et de ne plus rien éprouver, même si les souvenirs me tendent la main, et me frôlent quand, en ouvrant un tiroir remplis à la va-vite, je trouve des affaires qui ne m'appartiennent plus. J'ai gardé la plaque aux deux noms qui était sur la porte en me disant que, de temps en temps, ça me ferait tout drôle de la regarder. Et puis rien. Elle est posée là, toujours au même endroit, et je ne la regarde plus. Ca me manque pourtant, tous ces moments me manquent, et lui aussi parfois, mais ça ne m'émeut plus.
    J'ai peur, je crois, de finir par ressombrer dans ce cynisme insensible qui me détache de tout. J'y ai vécu trop longtemps pour y retourner maintenant, j'avais eu tellement de mal à en sortir, tellement de mal à faire tomber les barrières, je me désespère maintenant de me voir les redresser, sans pouvoir rien y faire. J'oscille entre les périodes les plus neutres et les instants où je m'émeus de tout mais jamais bien longtemps, jamais assez longtemps pour me donner l'impression de revivre. J'ai la sensation de m'éteindre, de laisser le froid me submerger, de ne plus donner assez de sentiments à mon âme pour alimenter le feu. Et les autres, tous ces autres qui m'entourent, recommencent à me faire peur, à me sembler lointains, à me sembler étranges. Je m'amourrache de ceux en qui je trouve des signes, de ceux que j'ai l'impression de pouvoir aimer, mais je n'y arrive plus. Ils se mettent à peupler mon quotidien par dizaine, des silhouettes floues aux visages et aux noms multiples, des étoiles filantes comme j'aime les appeler, qui traversent mon ciel et que je n'ai ni le courage ni la volonté de retenir. Parfois, les traces de lumière qu'ils laissent derrière eux me redonnent le sourire, et je les regarde se dissiper dans l'air avec gratitude, comme si j'avais revécu grâce à eux, pendant quelques instants.
    Je suis dans une espèce de misère affective et je le sais. A vouloir aimer tout le monde, je n'aime personne, ou jamais bien longtemps, jamais en étant sûre. J'ai peur, parfois, de ne plus y arriver, comme si j'avais raté la seule occasion, comme si je n'avais pas su m'y prendre, et que je n'y arriverai jamais. Je me suis tellement protégée de la douleur que j'ai oublié de creuser une porte de sortie dans ma tour d'ivoire et je gratte les murs, sans trouver de prise, pour atteindre cette fenêtre qui offrait une si belle vue. J'ai l'impression de ne voir plus qu'une petite partie de ce ciel sans Soleil désormais. Et par moment, il y a ces lueurs scintillantes qui vont et qui viennent, qui s'arrêtent quelques instants, qui repartent, qui reviennent parfois. Elles sont bien les seules à être encore capables de m'émouvoir, mes étoiles filantes.

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  • My body is a cage
    that keeps me from dancing
    with the one I love,
    but my mind holds the key.

    My body is a cage
    that keeps me from dancing
    with the one I love,
    but my mind holds the key.

    I'm standing on a stage
    of fear and self-doubt.
    It's a hollow play,
    but they'll clap anyway.

    My body is a cage
    that keeps me from dancing
    with the one I love,
    but my mind holds the key.

    You're standing next to me.
    My mind holds the key.

    I'm living in an age
    that calls darkness light.
    Though my language is dead,
    still the shapes fill my head.

    I'm living in an age
    whose name I don't know.
    Though the fear keeps me moving,
    still my heart beats so slow.

    My body is a cage
    that keeps me from dancing
    with the one I love,
    but my mind holds the key.

    You're standing next to me.
    My mind holds the key.
    My body is a...

    My body is a cage.
    We take what we're given.
    Just because you've forgotten,
    that don't mean you're forgiven.

    I'm living in an age
    that screams my name at night,
    But when I get to the doorway
    there's no one in sight.

    I'm living in an age:
    They laugh when I'm dancing
    With the one I love
    But my mind holds the key.

    You're standing next to me.
    My mind holds the key.

    Set my spirit free.
    Set my spirit free.
    Set my body free.
    Set my body free.

    Set my spirit free.
    Set my body free.

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  • Il y a des souvenirs parfois si profondément enfouis qu'il faut une mélodie, une note particulière, un regard ou une impression pour qu'ils ressurgissent soudainement, avec leur cortège de sensations et de visages. Vespers ramène jusqu'à moi l'ondulation du blé sous le vent, ces journées entières que je passais à gambader dans ce champs du bout du monde, qui représentait pour moi la frontière de l'inconnu, la fin de la civilisation, la fin de tout. Je me souviens que, parfois, je franchissais la limite imaginaire que mon esprit avait fixée, j'avais l'impression que le jour où je passerais de l'autre côté je ne pourrais plus jamais revenir. Au-delà, dans mon esprit d'enfant, il y avait tous les gens qui étaient morts sans que je me souvienne d'eux, il y avait des camarades oubliés, il y avait Dieu, des animaux féériques et des personnages que je rêvais de rencontrer tout droit sortis des contes qu'on me confiait le soir. Et parfois lorsqu'il pleuvait des deux côtés de la limite j'avais peur d'être absorbée, d'être forcée à la franchir alors que je n'étais pas prête, j'avais encore tellement le temps.
    J'y suis retournée l'autre jour, j'ai vu la barrière en ruines et le blé désseché, l'arbre gigantesque qui n'offre plus d'ombre, et la limite imaginaire que je n'arrivais plus à situer, comme si mon regard d'adulte n'arrivait plus à la différencier d'un sol un peu plus sec, d'un épis un peu plus grand, d'un hasard du relief. Il y avait toujours le vent, pourtant, qui faisait onduler le blé comme des vagues, et moi perdue au milieu, avec cette eau lumineuse qui ne m'arrivait plus qu'aux genoux alors que j'avais autrefois l'impression de pouvoir m'y noyer.
    Il n'y avait plus personne, plus rien, et aucun souvenir de ce que mon esprit enchanteur avait dessiné dans le champs, ce que mes yeux rêveurs avaient cru apercevoir à l'horizon, des tâches sombres lointaines qui n'étaient que des silhouettes d'arbres. J'ai vu mon quotidien se peupler de toutes les personnes que j'avais rencontrées depuis, j'ai vu leur ombre se dessiner devant moi en l'espace de quelques secondes, et je les ai contemplées. Ce sont eux, à présent, mes animaux féériques, mes personnages extraordinaires, mes héros sortis des contes; ils sont ceux que j'aurais aimé connaître, ils sont ceux que j'ai oubliés; leurs sourires me font penser à Dieu. Et je sais que chaque visage que je contemple vient peupler le champs aujourd'hui, comme si les âmes se déplaçaient en cortège jusqu'à ce paradis perdu, ce havre et ce refuge où rien ne pourra jamais leur arriver. Est-ce qu'ils resteront, est-ce qu'ils passeront la limite, là où je ne pourrais pas les suivre? J'ai l'impression d'avoir tant à faire et tant à connaître, j'aimerais parfois emboîter le pas de ceux qui ont choisi d'en avoir le coeur net, mais ceux qui attendent encore me donnent le courage de rester.
    Et je sais, aujourd'hui, que le champs a été vital pour moi, je sais que sans lui je n'aurais pas eu la force de continuer, d'avancer en frôlant cette limite qui m'attendait, en la suivant parfois du bout du doigt, en regardant ceux qui la traversent et en les saluant d'un signe de la main. Je sais que je les reverrais mes licornes et mes fées, ces personnages magiques travestis en humains, si profondément ancrés dans leur costume de chaire qu'ils ne soupçonnent parfois même pas qu'ils appartiennent à ce monde où des rayons de couleur irradient les cieux. Et je bénis chaque jour la chance que j'ai de pouvoir les croiser, alors que je ne pouvais que les observer de loin, les contempler avec un sourire rêveur sur le visage, en regardant le vent dessiner leurs pas dans le champs de blé.


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  • C'était encore une nuit mémorable, comme il n'y en avait pas eu depuis longtemps, même si sa raison d'être était en elle-même la plus malheureuse qui soit. On avait décidé de fêter une sorte de deuil, d'enterrer quelque chose ou quelqu'un, d'enterrer des idées en fait, les nôtres, qui venaient de s'écraser sur le sol à nos pieds après des mois et des années de chute libre. Je crois que même si on était soulagés de se retrouver on avait tous un peu le coeur triste au fond, triste de devoir se réunir en petit comité parce que les autres devaient faire la fête en ce même instant. Alors bien sûr on avait besoin du nécessaire pour endormir notre esprit, pour le reposer un peu en réalité, pour l'empêcher de penser pendant quelques heures.
    Je crois que les vieux amis sont le lien indispensable qui raccroche la personne qu'on est devenue à celle qu'on était à la base; je crois que, sans eux, le temps et le quotidien m'auraient définitivement altérée. Bien sûr il y a eu des périodes difficiles, des années où chacun pensait pouvoir avancer seul sans se tourner vers le passé, j'en faisais partie comme tant d'autres, et puis finalement... J'ai finis par comprendre que ces gens qui peuplent mes plus jeunes années ne sont pas des charges que je devrais traîner malgré moi, des gens qui me connaissent mieux que les autres et que j'aimerais pouvoir faire taire, comme si j'avais peur de ne pas aimer l'image qu'ils me renvoyent. Avec le temps j'ai appris à la regarder dans les yeux, cette image, j'ai appris à lui trouver des qualités, à me dire qu'au final, elle est peut être bien plus précise que celle qui s'est dessinée dans mon esprit.
    Et ce soir là quand on a déambulé dans les rues j'avais envie de hurler à quel point je les aimais, ces amis de longue date, eux que j'ai tellement maltraités à l'époque où je ne supportais personne, eux qui sont toujours là. Je crois que je l'ai dit d'ailleurs, je passe tellement facilement aux aveux sous le couvert de l'alcool, parce que c'est sans doute le seul moment où je me sens capable de tout dire sans rien cacher derrière ma pudeur. Comme bien souvent on a eu l'alcool nostalgique, mais l'alcool heureux, l'alcool conscient d'être entouré de personnes de confiance, de personnes à qui on peut tout dire. Et quand nous sommes sortis du bar la nuit était noire et la ville silencieuse, comme si les murs eux-mêmes nous écoutaient. Je ne sais même plus comment nous avons fait pour ne pas nous perdre dans les traboules, je crois qu'on se sentait invincibles, qu'on avait la certitude d'avoir vécu quelque chose de grand ensemble, et de ne jamais l'oublier. On a courru, rit et chanté, et je me suis endormie avec le sourire aux lèvres, et ce bonheur indescriptible d'avoir été capable, pour une fois, de leur rendre à juste mesure tout ce qu'ils m'avaient donné.
    Et moi qui ai toujours l'habitude de dire qu'il existe une différence fondamentale entre les amis d'enfance et les amis qu'on choisi, je dois me rendre à l'évidence: il y a aussi les amis de longue date qu'on a choisi, pas simplement parce qu'ils étaient dans la même classe ou le même collège et qu'on ne voulait pas rester seul, mais parce que c'était des gens bien. Et ce sont les meilleurs, les seuls qui survivent au temps, les seuls que rien ne pourra éloigner.


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  • Je suis née les yeux levés vers le ciel. Mes parents aiment bien dire que c'était une sorte de présage, puisque j'ai toujours été un peu l'illuminée de la famille, et j'aime bien penser moi aussi que, quelque part, j'étais prédestinée à toujours regarder vers le lointain. Pourtant à la base ce n'était rien de tellement romanesque, juste moi qui m'étais tournée avant la naissance, rendant par là-même les choses bien plus difficiles pour ma pauvre mère. Pourtant je suis née dans le silence, une méthode qui faisait ses premiers pas à l'époque, sensée donner des enfants sereins, calmes et apaisés. C'était une méthode qui nous faisait naître dans le noir, dans le silence, sans nous brusquer, et sans aucun cri. Je n'ai pas poussé le moindre son d'ailleurs, et même si je suis née avec le cordon enroulé autour du cou, je crois que peu de personnes tiennent autant à la vie.
    J'étais encore tournée vers le ciel de mardi lorsque le soleil s'est voilé et que les premières gouttes ont commencé à rouler sur ma peau. J'étais en train de bronzer, écrasée par la chaleur de ce printemps étouffant; elles m'ont fait l'effet de boules de neige que l'on jetterai sur une brûlure à fleur de peau. Je suis restée immobile pourtant, j'ai enlevé le tissu qui protégeait mes yeux des rayons, et le ciel était là. C'était un cadre parfait, une maison perdue au milieu de nulle part, des arbres partout, des fleurs, les derniers chants d'oiseaux avant l'orage, et cette éléctricité qui parcourt l'air, tellement présente qu'on pourrait la capturer d'une poignée de main. C'était un temps propice à une alchimie, comme j'aime appeller cela, un moment unique, une communion, comme si la nature tout entière n'était composée que d'esprits prêts à entonner un hymne en choeur pour celui qui voudrait bien les écouter. Alors je me suis redressée doucement tandis que l'orage gagnait en force, et je suis restée là, les yeux levés vers lui.
    Quand j'étais petite mon père aimait bien nous installer, mon frère et moi, devant la fenêtre quand il y avait de l'orage. On passait des heures à regarder les éclairs, et déjà à l'époque je trouvais ça beau. Alors qu'autour de moi les gens partaient en courant à la recherche d'un abri ou d'un réconfort, j'étais la seule à rester au milieu de la cour, comme si j'attendais quelque chose ou quelqu'un. Et même si avec le temps les cultes et les livres ont tenté de coller des tas de noms et d'explications sur ce phénomène, je n'ai jamais réussi à percer le secret de cette force en mouvement qui plane au dessus de nos têtes. J'ai toujours senti qu'il y avait plus que ce qu'on veut bien expliquer, que ce qu'on ose comprendre. Et mardi lorsque j'ai scruté le ciel j'ai vu un mouvement dans les nuages, comme une présence bien là et si lointaine à la fois, l'assurance que même dans les endroits les plus reculés personne n'était jamais seul. C'est la même présence que je ressens lorsque je déambule dans un bois, lorsque je nage dans une vaste étendue d'eau, lorsque je me laisse rouler sur l'herbe. La sensation exquise de savoir que tout ira bien, quoi qu'il arrive, et que les forces bienveillantes qui tournoient dans le ciel ont le pouvoir d'apaiser les coeurs en berne.
    J'en avais bien besoin, à certaines époques, et je les regarde aujourd'hui avec un sourire béat au coin des lèvres, comme si je faisais maintenant partie de ceux qui "savent", de ceux qui ont compris. Je l'ai vu dans les cieux lorsque j'ai levé la tête, je l'ai lu dans les cascades d'eau qui s'en déversaient, qui retournaient la terre et emportaient les souvenirs. Tout va, tout vient, tout passe et tout renaît. Je crois qu'une fois que l'on a comprit ça, on peut avancer en paix. Après tout, cette méthode avait peut être du vrai.

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