• Circles

    J'ai beau essayer de toutes mes forces, me repasser en pensée les moments les plus forts, les plus doux, les plus agréables, relire des archives pleines de jolis mots et d'espoirs naissants pour tenter de me souvenir de ce piccotement singulier; rien n'y fait. Je ne m'émeus plus ou si peu, je ne me projette pas, je n'arrive pas à dessiner devant mes yeux clos une image de moi qui ressemble à quelque chose, bordée de paysages qui ne soient pas fantomatiques, flous comme recouverts d'un voile de poussière. Le neuf a été absorbé comme par une plante assoiffée à laquelle on verse un verre d'eau; j'ai bu la nouveauté et toutes les paroles que j'avais envie d'entendre, les odeurs et les caresses, les rêveries du petit matin et les pensées apaisées du soir, mais je n'arrive plus à refaire vivre le quotidien. Il avance comme un gros invertébré qui écrase tout et n'a aucun égard pour mes petites considérations, il rampe comme pour me montrer que je dois moi aussi finir par me contenter de ce qui suffit aux autres, en ne laissant qu'un filet de bave dans lequel miroitent mes souvenirs.
    Est-ce que c'est moi qui ai changé, est-ce que mes attentes sont devenues autres, ou est-ce que j'ai simplement oublié qu'on pouvait aimer sans souffrir, sans larmes ni désespoir, sans poignées de médicaments et lames cachées sous l'oreiller, sans garder constemment un oeil ouvert à guetter les traces, les signes, les preuves qu'on voudrait ne jamais trouver. J'ai eu tellement peur que je trouve la quiétude suspecte désormais, comme si le véritable calme n'existait pas mais n'était qu'une forme, plus sournoise encore, de la tempête. J'ai l'impression d'oublier et d'accepter, de courber sous la facilité, sous une simplicité qui m'endort, qui chasse mes démons mais qui chasse aussi de ce fait la magie des instants désespérés, de tous ces moments de réflexion et de remise en question que j'ai toujours trouvés si salutaires. Est-ce qu'on peut être heureux lorsque tout va bien, simplement bien? Lorsque malgré les blessures passées et les vieilles cicatrices, malgré les rancoeurs et les craintes, on arrive à désamorcer les tensions, à tuer les crises dans l'oeuf, à ne jamais rien laisser enfler au-delà d'un simple haussement de ton? Je crois qu'au fond j'ai peur de m'ennuyer, comme tant de fois, de chercher à me sortir d'une torpeur en créant des tempêtes à ma façon, en tissant sur des bases pourtant saines, en remuant une terre qui ne demandait qu'à laisser pousser des fleurs. En un sens j'ai peur de tout gâcher.


  • Commentaires

    1
    Neyrelle
    Lundi 28 Avril 2008 à 22:54
    passion
    Camus a ecrit un jour : "les femmes sont tellement avides d'émotions que la plupart d'entre elles préferent le malheur à la tranquilité" Beko
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