• Je veux croire que la terre retournée peut redonner la vie. Que les racines qu'on arrache, les fruits, les fleurs, peuvent redonner de plus beaux bourgeons. Il n'est pas facile à arpenter, le chemin du quotidien, je l'avais oublié je crois, noyé qu'était son souvenir sous tout le reste, les espoirs et les déceptions, les craintes. Avec le temps, j'avais fini par me retourner sur une terre vide, non pas stérile ni même sombre, mais juste vide, comme si les souvenirs eux-mêmes s'étaient enfuis, et que les bribes d'émotions suspendues dans l'air avaient fini par se dissiper comme de la poussière au vent. J'ai redécouvert les joies et les peines de ce chemin qu'on décide de suivre d'un même pas, ce sentier escarpé qui bien souvent n'offre de place que pour un, et qu'on franchit malgré tout en se serrant les coudes, sans jamais avoir peur du vide. J'ai eu peur du vide, pourtant. J'ai vraiment eu peur et parfois son souvenir me hante encore, cette certitude déstabilisante que tout peut s'arrêter d'un moment à l'autre, un faux pas, une rafale, et c'en sera fini.
    Malgré toutes les expériences du monde et la préparation la plus efficace, on est jamais prêt à fouler cette route à nouveau, quoi qu'on en dise. J'ai pensé que les années derrière moi me pousseraient; au final, elles n'ont jamais été aussi absentes. Et ce savoir sur lequel je pensais pouvoir me reposer brille par son silence, désormais, il me force à ouvrir mes propres voies, à trouver les passages et les angles, à cartographier des zones dans lesquelles je me lançais à corps perdu. Je ne me languis de rien sinon de cet âge d'or inestimable où la confiance était reine, et j'ai peur parfois de ne plus arriver à l'atteindre, à profiter de ses rayons de soleil, de devoir me contenter d'une semi pénombre aigrie qui finira, je le sais, par emporter le reste dans son sillage. Mais cet horizon rouge qui se lève sur les montagnes le matin devant ma fenêtre, qui les irradie comme des hauteurs sacrés, me pousse à pardonner et à baisser les armes, puisqu'elles n'apporteront de victoire qu'à moi-même, au détriment du reste et de tout ce qui me manquera.
    J'ai pensé à beaucoup de choses. A des terres lointaines, des paysages nouveaux, mais aussi au contraire à ces foyers qui me manquent, parfois, là où je sais qu'on ne me blessera jamais. Il y a des milliers de retraites paisibles dans mon esprit, des cabanes dans lesquelles je me mure, où les plans les plus fous s'échaffaudent à la faveur de la nuit. Mais l'horizon rouge me retient. Il porte en son sein toutes les promesses du monde, les serments oubliés gravés dans la pierre que son éclat révèlera à nouveau, un jour. Il est une prophétie du retour des jours heureux, ceux qu'on prédit toujours plus beaux encore que dans les souvenirs des aïeux, ceux où jamais personne ne nous fera plus de tort. L'horizon rouge m'anime. Il me donne vie et m'éclot, il me nourrit. Que serions-nous sans nos espoirs, après tout? Des fleurs trop grandes dans de trop petits pots.

     

     


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