• Un matin, on se réveille avec le coeur serré, l'oeil vide. On se regarde dans le mirroir, après avoir déjeuné sans appétit, on réalise que bien plus que l'oeil, le visage tout entier est morose, pâle, tendu, décharné. On met des vêtements au hasard, on sort dans le froid glacial et alors que les gens s'emmitouflent dans leurs plus chauds habits, on avance contre le vent du Nord sans frissonner. On est malade depuis quelques jours mais on ne s'en rend même pas compte, et lorsqu'il arrive d'en souffrir, lorsqu'on se réveille la nuit à cause de ça, on se dit que ça doit passer. Que c'est mérité, peut être, qu'on ne peut rien y faire, qu'on ne veut pas y penser. On travaille, on écoute sans retenir, on écrit sans comprendre. On regarde les autres parler autour de soi, on fait mine de s'y intéresser, d'être aussi heureux qu'ils peuvent l'être, d'avoir hâte d'être à ce jour dont ils parlent tant. On mange en leur compagnie quelque chose qui n'a aucune saveur, qui ne sent rien, que l'on peu à peine voir. On prend le chemin du retour en regardant par terre, sans se soucier de ceux qu'on croise, des voitures, des odeurs, du temps. La pluie tombe et nous traverse, on ne réalise pas qu'elle trempe nos vêtements, qu'elle s'infiltre dans notre chaire, qu'elle innonde notre âme. On n'entend pas le téléphone sonner, on n'écoute pas les messages. Sur le mur, les photos ne ressemblent plus à rien, des gens lointains qu'on ne reconnaît plus, des gens qui ne sont pas là, qui ne l'ont peut être jamais vraiment été. Et puis on regarde dehors, ce dehors qui nous enchantait, et on ne voit plus rien. Rien d'autre que des bâtiments informes, des couleurs sombres, des échos qui résonnent sur du vide, sur le précipise sans fin qui s'étend sous nos pieds. On a beau s'évader comme on le peut, dans des mondes virtuels où personne ne souffre jamais, où les aventures les plus passionnantes sont possibles, où les vertus ont une véritable valeur; rien n'y fait.
    C'est un jour où l'on se lève en comprenant qu'il faut savoir lâcher prise, quand il n'y a plus rien à faire. Où l'on réalise que les plus belles paroles et les principes qui nous guidaient jusqu'alors ne fonctionnent finalement pas tout le temps, qu'il y a des cas qui leur échappent, des cas qui se dérobent à tout. Un jour où l'on aimerait tourner la page aussi facilement que d'autres le font, où l'on réalise qu'il y en a tellement qui sont marquées, dans lesquelles on se replonge de temps en temps, qu'il n'y a plus de place pour une nouvelle. Des pages anciennes qu'on ne peut plus voir, mais qui sont là pourtant. Des pages qui ne veulent pas se laisser tourner, qui reviennent par un moyen ou par un autre. On sait qu'il faudrait les brûler, repartir de rien, mais la force qu'il faudrait pour une telle entreprise s'est envolée depuis longtemps. Elle n'est pas là dans un jour comme celui-ci, il n'y a plus ni force ni courage, ni volonté. Juste des gestes sans vie, des paroles sans sens, une écoute distraite, des projets qui disparaissent.
    Je n'arrive plus à penser, à croire, même mes rêves s'étiolent. Je veux partir d'ici.


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  • Là-bas, j'espère que tu retrouveras ce temps chaud et confortable qui te faisait défaut ici; ces paysages sublimes, ces lagons et ces cascades où tu passais tes journées après l'école. Là-bas, j'espère que tu sauras retrouver ta place auprès des tiens, retrouver tes marques, tes repères dans ce qui était chez toi, et que tu n'as pas vu depuis si longtemps. Je ne crois pas qu'on puisse oublier l'endroit d'où on vient, qu'importe les années qui passent et les environnements qui changent, je crois qu'au fond de toi tu as toujours appartenu à cette terre. Et j'avais toujours eu peur, tu sais, de ne pas savoir faire briller notre maison aussi fort que ce monde que tu avais connu. Tu apportais la chaleur des terres baignées de soleil, et je n'avais que le vent froid de mon pays gelé; je ne voyais que la peine et l'horizon glacé, et tu connaissais l'endroit où s'embrase le ciel. J'espère que tu as tout emporté avec toi, que rien ne te manquera jamais. J'espère que tu as emmené un petit quelque chose de moi, un petit quelque chose des autres, de toutes ces années, de ces peines et de ces joies, de ces moments magiques, de tout. Cette fois la page se tourne pour de bon, et malgré tout ce que tu peux dire, je sais que l'on ne se reverra pas de si tôt. Et tu vas me manquer, tu sais, comme tu me manquais déjà, même si je suis en paix maintenant moi aussi, maintenant que j'ai vu que l'alchimie n'était pas morte, qu'il y avait toujours ce petit quelque chose dans l'air, cette magie entre nous malgré les mois et la distance, ce dénominateur commun que rien ni personne ne pourra jamais nous enlever.
    J'avais peur, avant, de rester en contact après tout ce qui s'était passé, j'avais peur de souffrir de te revoir, de souffrir de te voir partir, de souffrir de te voir rester. Mais tu m'as apaisée, tu sais, quand tu m'as prise dans tes bras sur le quai de la gare; tu as balayé mes peurs d'un seul geste, et j'ai su que certaines choses ne changeraient jamais. J'avais besoin de le voir, j'avais besoin de m'en rendre compte, de pouvoir m'appuyer dessus, de pouvoir y compter. C'est ce qui me permettra de penser à toi avec le sourire aux lèvres en t'imaginant sur tes plages de sable noir, ces endroits que je devais connaître, et que je verrais, d'une certaine façon, à travers tes yeux.


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