• Ce soir ce sont des notes d'orgue qui sèchent mes larmes. D'ordinaire, il me suffit d'écouter quelques chansons entraînantes, de celles qui me donnent envie de danser, et le soleil revient innonder la chambre, transpercer les volets de bois, sublimer tout ce qui m'entoure, moi y compris. Mais ce soir ça ne marchait pas, non, je les ai trouvées insipides, vides de sens et de couleur, je crois bien que je ne les ai même pas vraiment entendues. Et puis l'orgue s'est élevé, d'abord simple puis symphonique, une avalanche de notes, une poignée de souvenirs. Il a fait ressurgir en moi l'état que ne m'apportent que les musiques éternelles, ces essences religieuses, ces particules de rite, comme si les divinités elles-mêmes avaient insufflé leur présence dans l'instrument, comme si elles faisaient danser les notes; il m'a rendue nihiliste. Alors ce soir plus rien ne compte, il n'y a que la musique qui s'éleve, impériale, comme soufflant sur des ruines, sur les restes d'un champ de bataille, sur le spectacle de la fin du monde. Ce soir il n'y a rien d'autre que l'éternité, et tous ces êtres aux sentiments si éphémères, ces créatures de chaire périssables, ces voix vouées à s'éteindre derrière le souffle du vent, aucun d'eux n'existent plus, aucun d'eux ne compte. Ce soir je veux entendre le pandemonium s'élever jusqu'à ce que plus rien d'autre ne soit, jusqu'à ce que la douleur soit partie, si elle doit partir un jour, jusqu'à ce que la nuit s'éloigne.
    Je ne sais pas si j'arriverais à voir le Soleil lorsqu'il se montera à moi à nouveau, je ne sais pas si j'arriverais à le reconnaître, j'ai si souvent cru le voir lorsque ce n'était qu'un halot imposteur. Je ne sais pas si je le trouverais un jour, ni s'il saura me trouver lorsque j'aurais moi aussi terni, lorsque je ne serais qu'une ombre parmi les autres, ces étoiles éteintes d'avoir trop espéré. Je ne sais pas s'il y a un Soleil quelque part, au fond; je ne sais plus rien.

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